De la naissance de bébé X…

A croire que qui veut se proclamer artiste suffit de le dire pour le devenir. Nous avons longtemps pensé que l’art existait par des œuvres qui parfois reproduisaient la vie. Il fallait de l’inspiration, de la concentration, du travail, de l’esprit et du cœur, du talent ou du génie. Puis, on a découvert que toute production d’un artiste, y compris ses matières fécales, doit être considéré comme une œuvre (peut-être pour message ironique aux collectionneurs accourant pour acheter de la merde?) . L’américaine Marni Kotak a trouvé mieux. Après avoir reconstitué la perte de sa virginité dans une Plymouth bleue et les funérailles de son grand-père, elle vient de franchir un nouveau palier dans la stupidité.

Puisqu’elle est une artiste, sa vie elle même est une œuvre d’art. C’est donc en public, dans une galerie de Brooklyn, qu’elle accouchera de son premier enfant et d’une oeuvre intitulée La naissance de bébé X (The birth of baby X). On n’entend d’ici les pompe-cornichons avant-gardistes qui se pâmeront devant tant d’audace. L’obsession maladive de la célébrité ne date pas d’hier, elle nourrit la télé-réalité avec ses bataillons de jeunes gens qui deviennent volontairement le combustible faisant tourner la machine spectaculaire. Des milliers de gens ne jouissent plus que du regard de leur semblables et exhibent sur internet la banalité de leurs existences. Que cette déplorable disposition entre dans les musées, je ne sais pas s’il faut en rire ou s’en affliger. Plus il y a d’artistes, moins il y a d’art? La réalité de Marni Kotak offre en prime un petit spectacle à la Trueman Show. Elle compte en effet exposer la vie de son enfant, de sa naissance à l’université. J’espère que qu’on aura également le spectacle de ses séances de psy. L’œuvre nommée baby X est sans doute sponsorisée par une entreprise de comm’. Repoussant sans cesse les limites, prenons les paris de sa future performance? Un avortement en public avec petits-fours et  champagne?

Je conçois pleinement que toute femme (couple) considère la naissance de son bébé comme son œuvre suprême, mais c’est dans l’intimité que cette force se crée…

2 commentaires

.. l’art qui reproduit la vie c’est un débat plutôt daté..
.. la matière fécale comme oeuvre ça se discute aussi, et j’y vois plus une réflexion sur le processus de création qu’une ironie sur le marché de l’art..
l’oeuvre est d’une certaine manière issue de l’absorption, du mélange, de la maturation/digestion, processus seulement en partie conscient, seulement en partie maîtrisé..
ce qui en découle (hmm, miam miam, sans mauvais jeu de mots) tiens à la fois de la défécation, de l’éjaculation, de l’enfantement..

par contre, considérer l’enfant comme SON oeuvre suprême, à soi, c’est juste dégueulasse.. cette oeuvre là est pensante et a une vie propre..
d’ailleurs, lorsqu’un créateur, quel qu’il soit, et quelle que soit sa création, parle de celle-ci comme de son « bébé », a contrario de l’exemple sus-cité, il parle de la capacité de cette oeuvre à vivre sa propre vie, et il la considère comme quelque chose qui ne lui appartient plus et qui est livré au public, au monde, à l’inconscient ou au conscient collectif, qui sait, mais qui aura son cheminement propre..

curieuse et malsaine régression donc, selon moi, que de qualifier un enfant, un être nouveau, conscient et indépendant.. le dirais-je naïvement, LIBRE, .. d’oeuvre. .

et en même temps mes très chers, ce que cette femme s’apprête à faire dans une « galerie » d’art.. la plupart de nos amies et connaissances ne le font-elles pas sur des « galeries » virtuelles? combien de Mamans n’exposent-elles pas leur « oeuvre » suprême sur certaines plateformes dont il est inutile de préciser le nom, au risque, elles aussi, bien que de manière moins « médiatique » (dans l’acception classique du terme, mais là je sens que je vais digresser très loin) mais au risque bien réel d’aliéner leurs chères têtes blondes à leur image dès le berceau?
celles-ci ne se prétendent pas artiste, pourtant elles font courir le même risque de Truman-syndrôme à leurs petits (assaisonné d’une petite pincée de Narcisse-névrose), sous le prétexte tout-puissant de l’Amour-Fierté-Maternité..
je ne juge ici personne mes chéries, je vous invitent juste gentiment à reconsidérer quelque peu l’exposition souhaitée par vous et totalement irréelle de vos bambins.
Etre critique avec soi plutôt que pousser un coup de gueule contre une « artiste », car si le but de l’Art n’est pas à mon sens de « reproduire » la réalité, il la reflète en revanche bien souvent dans un miroir.. à peine déformant.

Merci d’avoir pris le temps d’apporter tes réflexions avec ce commentaire plus long que l’article en question. On touche peut-être une des finalités de l’art, à savoir faire réfléchir et poser des questions sur notre condition personnelle et comment elle s’insère dans notre société. L’art est au final ce qui nous réfléchir, dans ce cas il est à l’opposé de l’œuvre qui n’est que matière sensorielle et esthétique.

Il me semble avoir noté un point de désaccord et je tiens à éclairer mes pensées sur la considération de l’enfant comme une œuvre (j’ai pas dit œuvre d’art). Si pour un artiste, les œuvres sont une partie de lui-même, un patrimoine qu’il laisse aux générations futures, j’y vois une certaine convergence avec notre progéniture aussi bien au niveau du patrimoine génétique que des valeurs transmises. L’artiste n’accouche pas d’une œuvre finalisée, pas plus qu’une femme. C’est beaucoup de soi, de retouches, de doutes qui sont apportés au cours de ce processus. La création ne devient œuvre qu’à partir du moment où on lui laisse vivre sa vie par son émancipation et sa confrontation avec le monde.

J’aime beaucoup ton parallèle sur l’exposition de l’image, un carcan dans lequel certains parents (plus les mamans que les papas?) enferment dès le plus jeune âge leur enfant dans la contemplation de leur propre image. Il faut en effet se battre contre ce narcissisme qui renforce l’individualité et véritable cancer délitant de ce qu’on appelle société. Une société implique des échanges, de l’écoute et de la réciprocité. Si le but de ces échanges est intéressé et vise à l’unidirectionnalité de la promotion de sa petite personne, alors on ne peut continuer à s’élever en se confrontant aux idées des autres, les assimilant ou les rejetant pour poursuivre sa propre construction. Une bonne grosse coquille vide, une image, de la 2D mais aucune profondeur. C’est joli d’avoir de belles fondations mais le but est quand même d’avoir une minimum charpente à défaut de réussir à se construire un toit. Notre personne-maison est en perpétuel travaux, ne sera jamais terminée, mais peut-on réellement se contenter de vivre sur le plancher?

Laisser un commentaire